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L'Ordre des Chevaliers du Travail

Aux origines du syndicalisme moderne

Texte réalisé à partir de l’ouvrage de Maurice Dommanget : "La chevalerie française du travail (1893-1911)".

Fondé en 1868 aux Etats-Unis, The Noble and Holy Order of the Knights of Labor (le noble et saint ordre des chevaliers du travail) est une organisation secrète de défense ouvrière, pré-syndicale, qui existe d’abord outre-Atlantique. L’Ordre s’inspire du modèle de société secrète maçonnique (très prégnant aux Etats-Unis à cette époque) et de la tradition des loges opératives, sorte de combinaison d’anciennes corporations et de syndicats compagnonniques, qui, au Moyen-Âge en particulier, avaient servi de cadre d’organisation à diverses professions, comme celles du bâtiment. Il opère de manière secrète jusqu’en 1878, puis connaît un développement important jusqu’en 1886 avec plus de 700 000 adhérents. Cette phase de développement est liée à l’activité syndicale et anticapitaliste de l’Ordre basée sur une démarche philanthropique (création de coopératives, de sociétés de bienfaisance et de secours mutuels pour les ouvriers) et une stratégie non plus corporatiste et discriminante comme le faisait l’American Federation of Labor, mais interprofessionnelle, sans tenir compte de la qualification, du sexe et de l’ethnie (à part pour les indigènes amérindiens et les asiatiques qui ne sont pas admis dans l’Ordre).

 

L’Ordre des Chevaliers du Travail américain , comme le canadien qui a suivi le même développement, décline les années suivantes, notamment suite aux événements de Haymarket en 1886, jusqu’à n’être plus qu’un groupe d’intellectuels réformistes, victime de la répression patronale et de conflits internes (notamment entre la base et la direction de l’Ordre). La base militante des Assemblées Locales de l’Ordre, formée à ce nouveau syndicalisme et ayant acquis l’expérience de plus de dix ans de conflits de classe intenses, va contribuer à créer et grossir les rangs des Industrial Workers of the World (IWW) en 1905, ce syndicalisme révolutionnaire américain fondé sur les mêmes bases que la toute jeune CGT française.

La première implantation européenne de l’Ordre des Chevaliers du Travail intervient en Belgique en 1880. Nous allons cependant nous pencher sur le cas français et limougeaud car il serait trop long d’aborder en détail l’Ordre à son échelle internationale. 
Le cas français est intéressant car c’est là que la Chevalerie du Travail affirme une identité typique, caractéristique de la tradition révolutionnaire dans ce pays. Cette tradition de société secrète puise ses sources dans la Révolution française et plus précisément dans la Conjuration des Egaux de Babeuf (1796-1797). Gracchus Babeuf prévoyait de renverser le Directoire, accaparé par la bourgeoisie, et d’instaurer le communisme par une République Égalitaire pour le peuple et par le peuple. Babeuf est d’ailleurs reconnu comme étant le père des idées socialistes, communistes et anarchistes. La Conjuration des Égaux mène évidemment une existence clandestine mais a aussi la particularité d’avoir des rites initiatiques, un langage codé et symbolique, et ses membres sont intronisés « chevaliers de l’Ordre des Egaux ». Cet ésotérisme avec certains rituels et certaines pratiques initiatiques se retrouvera un siècle plus tard dans les assemblées secrètes de l’Ordre des Chevaliers du Travail Français.

 

Regard général sur la Chevalerie du Travail Française (CTF)

La CTF se rattache, dès sa naissance, à la tradition républicaine, socialiste et révolutionnaire française. La ligne politique de la CTF s’approfondit et s’affine au fil du contexte, des événements et surtout au fil de l’influence de ses différents secrétaires généraux. Ainsi, en 1893, au tout début de l’Ordre, sous l’égide du secrétaire général Beaugendre et du Grand Maître Chauvière, tous deux blanquistes, la condition d’adhésion est d’être « républicain ». Il est à noter qu’à l’inverse d’aujourd’hui, « républicain » couvrait bien d’avantage une optique révolutionnaire et socialiste. Le Socialisme était alors considéré par beaucoup de courants comme la phase ultime du républicanisme. En effet, pendant près d’un siècle (1790-1870) l’instabilité politique marque la France : le régime du pays passe par trois républiques, deux empires et deux monarchies, chacune de ces courtes périodes s’achevant à cause de révoltes populaires, de coups d’état et/ou de guerres. Être républicain à la fin du XIXème siècle c’est avant tout avoir en tête que l’instauration de la République passe par une Révolution. C’est choisir le progrès social et le gouvernement du peuple. Dans le mouvement ouvrier, cette adoration pour la République va décliner après 1848 et notamment avec l’épisode de la Commune de Paris en 1871. Car, une fois la troisième République stabilisée, c’est elle, aux mains de la grande bourgeoisie, qui va assurer une véritable guerre de classes contre le prolétariat et ses organisations. 


Avec le deuxième secrétaire de l’Ordre, l’allemaniste et leader syndicaliste Eugène Guérard, puis le troisième, le syndicaliste révolutionnaire Fernand Pelloutier, leader de la Fédération des Bourses du Travail, on note déjà le basculement de l’Ordre vers d’avantage d’identité socialiste, révolutionnaire et syndicaliste. Selon l’historien syndicaliste Maurice Dommanget, qui a étudié en détail la Chevalerie du Travail (La Chevalerie du Travail française 1893-1911, contribution à l’histoire du socialisme et du mouvement ouvrier), l’existence et l’action de cette dernière auraient préfiguré et même favorisé l’unité syndicale (1895 et 1902) et l’unité socialiste (1905). En effet, à l’image des différents secrétaires généraux qui se sont succédés au sein de l’Ordre, et en regardant la composition des différentes sections locales dites « chantiers », on retrouve tous les courants issus de la Première Internationale et plus spécifiquement ceux issus de la Commune de Paris : blanquisme, guesdisme, allemanisme, possibilisme, syndicalisme révolutionnaire et anarchisme. La ligne politique de l’Ordre entre 1893 et 1905, ce qui correspond à sa période d’apogée, montre la prédominance de l’allemanisme puis du syndicalisme révolutionnaire en son sein. On note quelques traits caractéristiques de ces deux courants très proches, qui vont définir la direction et l’identité de la CTF : 
 Méfiance vis à vis du parlementarisme. Les membres détenteurs d’un mandat politique sont d’ailleurs interdits de maîtrise (par exemple, un membre élu maire d’une commune ou député ne peut prétendre au grade de Maître de l’Ordre). 


 Privilégier l’action directe et le sabotage comme moyens de déstabiliser le système capitaliste bourgeois et de préparer les travailleurs à l’affrontement de classe.
 Détruire le système capitaliste par la grève générale et destituer le pouvoir de la bourgeoisie par l’insurrection populaire et la discipline ouvrière du travail.
 Nécessité de défendre l’indépendance et l’autonomie des travailleurs en accordant la priorité au syndicalisme.

Nous pouvons donc d’ores et déjà voir que la ligne des Chevaliers du Travail, est celle, en grande partie, que la future CGT adoptera jusqu’en 1914. En 1896, l’Ordre compte 1 500 membres, ce qui atteste d’une discrétion certaine, liée d’une part à la tradition de société secrète révolutionnaire ; mais aussi aux terribles répressions passées dont le mouvement ouvrier peine encore à se remettre à ce moment-là. Plusieurs conditions doivent être remplies pour devenir Chevalier : être présenté par un répondant (le recrutement se fait donc uniquement par cooptation), avoir 18 ans ou plus (ou seulement 16 ans si un parent l’est déjà), subir une enquête relative aux opinions et engagements politiques ou associatifs et prêter le serment suivant : « Je promets sur mon honneur que jamais je ne révélerai à qui que ce soit aucun des signes ou des travaux secrets de notre ordre qui peuvent m’être, maintenant ou plus tard, donnés ou confiés, aucun acte, fait, aucun objet ou projet conçus, excepté si j’y suis autorisé par mes fonctions ou par une commission spéciale accordée par l’Ordre ». Le nouveau Chevalier est accueilli par un discours de réception et son intronisation se fait avec un rituel mêlant ésotérisme, usage d’outils ouvriers (comme le marteau) et d’armes (comme l’épée et la lance).


La Chevalerie du Travail française est essentiellement présente à Paris, dans la Seine et la Seine et Oise. Mais elle est aussi présente dans de nombreuses autres villes, au travers de ses « chantiers » : Angers, Rennes, Le Mans, Nantes, Alès, Décazeville, Figeac, Amiens, Toulouse, Lyon, et... Limoges.

Les Chevaliers du Travail et le congrès constitutif de la CGT à Limoges

Attester de la présence de Chevaliers du Travail à Limoges n’est pas chose facile, même si, dans la « Rome du Socialisme », on pouvait espérer faire partie de cette particularité qu’est la CTF. Cet élément de l’histoire locale s’est totalement évaporé des mémoires et des sources, ce qui atteste encore une fois d’une discrétion certaine, mais aussi peut-être d’un manque d’activité en tant qu’organisation, nous y reviendrons. Il ne revient qu’à Maurice Dommanget d’avoir pu retracer l’existence du chantier limougeaud de la CTF à partir de ses recherches nationales sur l’Ordre et d’archives de la police. 


C’est autour d’un petit groupe local de militants allemanistes, eux-mêmes regroupés dans L’Avant-Garde (créée suite à une conférence de Jean Allemane en 1883), que le chantier de Limoges est fondé le vendredi 20 septembre 1895. La première réunion de l’Ordre se déroule une semaine plus tard, le 27 septembre à 9h chez « le vétéran », un militant allemaniste du nom de Tabaton-Thuillière qui tient une auberge au 11 place des Carmes. Ce dernier est d’ailleurs convoqué pour participer au congrès national de l’Ordre en février 1896. Dans le chantier, aux côtés des membres de L’Avant-Garde on peut estimer l’appartenance très probable d’Emile Noël le futur secrétaire de la Libre Pensée, partisan de la grève générale, et de Jacques Tillet qui fut secrétaire de la Fédération de la céramique. Mais le chantier de Limoges est surtout dirigé par un militant du nom de Boudaud, domicilié au 5 rue Palvézy. Il s’agit de Léonard-Etienne Boudaud, une figure locale, dont le Populaire du Centre ne consacrera que quelques misérables lignes à son décès en 1926.

Arrêtons-nous un peu sur son parcours. A 17 ans Boudaud représente les idées libertaires proudhoniennes de la section limougeaude de l’Internationale lors du congrès de Bâle en 1869. Tout porte à croire que Boudaud, fit ensuite parti de la Société Populaire Républicaine créée le 4 septembre 1870 et dont beaucoup d’éléments prirent part à la Commune de Limoges en 1871. La petite coïncidence, c’est que cette même Société était domiciliée 3 rue Palvézy avec un « Boudeaud » inscrit parmi ses membres. Ouvrier porcelainier (couleur de moule), Boudaud tombe en quelque sorte dans la marmite quand il était petit puisque le milieu des ouvriers en porcelaine est un formidable terreau, notamment à Limoges, pour développer la fibre de la révolte et de la solidarité. Il devient le camarade de combat de Gérald Malinvaud, cet autre leader ouvrier qui représenta les Limousins aux congrès ouvriers de Paris en 1876 et de Lyon en 1878.

 

Boudaud partage avec Malinvaud non seulement la même année de naissance, mais aussi l’implication très jeune dans le mouvement ouvrier et dans le même courant. Notons que c’est Malinvaud qui préside la conférence de Jean Allemane à Limoges en 1883. En 1881 Boudaud est élu conseiller municipal sur une liste radicale et fait parti les années suivantes des premiers adhérents de la Coopérative L’Union, jusqu’à en devenir un de ses administrateurs durant la guerre de 1914-1918. D’abord proche du Parti Ouvrier Français de Jules Guesde il est sensible à la scission « possibiliste » puis rejoint le Parti Ouvrier Socialiste Révolutionnaire de Jean Allemane à qui il restera fidèle sans pour autant être sectaire envers les autres tendances, comme peuvent en témoigner ses états de services dans les élections municipales. Spectateur constant dans les réunions prolétariennes et se mettant petit à petit en marge du terrain électoral et de la Fédération Socialiste de Haute-Vienne, ce sera dans une quasi-indifférence que disparut, en octobre 1926, l’ancien chef local de l’Ordre des Chevaliers du Travail.

1895, date de la création du chantier CTF de Limoges, s’inscrit dans le prolongement de 1894, année où L’Avant-Garde (qui est, on peut le dire, la vitrine politique des Chevaliers du Travail limougeauds) est représentée au congrès allemaniste de Dijon, ce qui prouve donc une existence et une activité politique certaine. Cette création de chantier local coïncide avec la période où la Chevalerie au niveau national est à son apogée grâce à son secrétaire général Eugène Guérard et où il est en de même pour l’allemanisme. 1895 s’inscrit aussi dans la dynamique qui va mener à la reconnaissance officielle de la Bourse du travail de Limoges en 1896 qui va regrouper 30 syndicats et plus de 1450 cotisants. Mais 1895 c’est surtout la date de création de la CGT à Limoges même ! Tenu du 23 au 28 septembre 1895, le congrès de Limoges réunit 75 délégués de 28 fédérations professionnelles, 18 bourses du travail et 126 syndicats. Il y a d’ailleurs là un fait troublant : la date de création du chantier limougeaud des Chevaliers du Travail (20 septembre 1895), précède seulement de trois jours l’ouverture du Congrès national corporatif se réunissant à Limoges et qui va donner naissance à la CGT. Il y a certainement un lien entre ces deux événements, mais il est à l’heure actuelle impossible de l’expliciter, faute de sources.

Maurice Dommanget rapporte dans son livre qu’à la veille du congrès, le 22 septembre, des délégués ouvriers pour le congrès se réunissent chez le Chevalier Tabaton-Thuillière (l’aubergiste allemaniste de la place des Carmes), là où se réunit également le chantier limougeaud. Compte-tenu de la scission guesdiste un an auparavant lors du congrès de la Fédération Nationale des Syndicats à Nantes, le congrès de 1895 à Limoges réunit par la force des choses presque exclusivement des blanquistes, des possibilistes et des syndicalistes révolutionnaires (allemanistes et quelques libertaires). Le septième point à l’ordre du congrès de Limoges concerne d’ailleurs le « compte-rendu des travaux et le renouvellement du comité d’organisation de la grève générale ».

 

Le poids des tendances révolutionnaires est donc bien confirmé. Et nul doute que certains délégués pour ce congrès (notamment quelques-uns qui assureront des mandats dans la nouvelle CGT) sont membres de l’Ordre. C’est le cas, par exemple, de l’allemaniste Lhermite, secrétaire de la Bourse du travail de Paris et gérant du journal du syndicat des cheminots : il représente le syndicat des chemins de fer au congrès et se charge d’établir le plan général qui servira de base à la structure que la CGT va adopter. On peut citer également Henri Girard, partisan de la grève générale qui sera membre de la Commission provisoire gérant la confédération (et qui se révélera aussi, plus tard, être un indicateur de la police) ; l’ouvrier mécanicien Braun représentant de la Fédération de la Métallurgie ou encore Coignard représentant la Fédération syndicale ouvrière de Tours. L’ancien communard et leader du POSR en personne, Jean Allemane, représente au congrès le syndicat des brossiers en peinture et le syndicat des cartouchiers de la Seine.

 

On peut aussi parler de la conférence faite dans un théâtre de Limoges le 28 septembre au soir au bénéfice des ouvriers grévistes de la ville, organisée par Chauvière, un autre Chevalier du Travail, qui fut Grand Maître de l’Ordre à sa création. L’hypothèse la plus plausible c’est que l’Ordre des Chevaliers du Travail ait poussé à la création d’une section à Limoges avant le congrès corporatif afin que les locaux y jouent un rôle. Mais c’est une création bien trop tardive. Qui pourrait assurer la fonction de liaison ? On pense à Colombe, le secrétaire du Conseil National Ouvrier, assurant un mandat important dans l’Ordre, chef du chantier de Nantes et délégué de la Fédération des Bourses au congrès corporatif de Limoges. Mis à part cette réunion de délégués au congrès la veille de celui-ci chez un Chevalier limougeaud, pas de traces de nos Chevaliers locaux au congrès-même. Pas de trace de Boudaud. Et c’est sans compter que les têtes marquantes de la Chevalerie ne sont pas là. Pas d’Eugène Guérard, ni de Fernand Pelloutier. C’était évidemment trop demander, les jeux étaient faits avant la création du chantier local.

Aux vues de ces éléments, on est donc en droit d’affirmer que ni localement, ni nationalement, la CTF n’a joué un rôle appréciable dans la tenue du Congrès constitutif de la CGT à Limoges, malgré la présence et le concours de certains membres et responsables de l’Ordre. La Chevalerie du Travail ne semble donc pas faire office de tendance ou de fraction dans les organisations ouvrières, ou alors si elle le souhaite, elle n’y parvient pas par manque de rigueur collective. Ce serait donc davantage un réseau de contacts influents agissant dans l’ombre qu’une organisation révolutionnaire clandestine. Mais est-ce réellement seulement cela ? Pour que des figures syndicalistes comme Fernand Pelloutier ou Eugène Guérard s’y intéressent et s’y impliquent au point d’obtenir le secrétariat général de l’Ordre, n’y a-t-il pas une utilité et un rôle plus profond ?

Chevalerie du Travail et syndicalisme : des liens étroits

Nous l’avons dit, la CTF est une société secrète dont l’activité semble se résumer plus à l’influence individuelle de ses membres dans des organisations ouvrières qu’à une réelle influence collective en tant qu’organisation. Cependant, le théâtre des opérations semble davantage se porter sur l’activité corporative et le syndicalisme que sur de la politique partisane. Pour cerner le lien entre syndicalisme et Chevalerie, il faut tout d’abord mesurer l’envergure et le poids des deux secrétaires généraux qui marquent l’apogée de l’Ordre entre 1894 et 1899. Il s’agit d’Eugène Guérard et de Fernand Pelloutier, déjà évoqués dans ce texte, et dont nous allons un peu plus détailler le parcours.

Eugène Guérard s’investit au même moment dans l’activité syndicale, avec la Chambre Syndicale des ouvriers et employés des chemins de fer, et dans la politique, avec le Parti Ouvrier Socialiste Révolutionnaire (POSR) de Jean Allemane, en 1890. Un an après, on le remarque déjà comme secrétaire de séance lors du dixième congrès du parti. Rappelons que le POSR a la particularité d’être le seul parti socialiste à vouloir subordonner l’action politique à l’action syndicale. C’est en quelque sorte un Parti syndicaliste. 


En juillet 1891, le syndicat des cheminots subit l’échec cuisant d’une grève. Cet échec est d’autant plus remarquable que le syndicat est alors dirigé par des employés de bureaux qui considèrent le syndicat comme n’étant qu’un outil d’accompagnement et d’équilibre dans l’entreprise. Les effectifs syndiqués sont à la baisse, tout comme le moral. Eugène Guérard, employé à la Compagnie Nord, publie une brochure chez Allemane intitulée Les chemins de fer devant l’opinion publique. Il y dévoile son programme revendicatif basé notamment sur la retraite ouvrière, l’extension des droits à tous les employés quelque soit le réseau ou la compagnie, la réglementation des congés ; et son plan d’action, basé sur la réappropriation des secteurs d’activités par les syndicats qui seront la base de la socialisation. Quelques mois plus tard, en octobre 1891, le syndicat organise son deuxième congrès.

L’échec de la grève avait stimulé l’ardeur de quelques militants. L’ancien bureau, accusé en plus de détournement de l’argent des cotisations, est défait. Le nouveau Conseil d’’Administration du syndicat est choisi parmi les syndiqués les plus honnêtes et combatifs, qui s’avéreront être pour la plupart allemanistes, et Eugène Guérard est nommé secrétaire général du syndicat. Le Congrès adopte la structure de « syndicat unique » des chemins de fer plutôt qu’un syndicat divisé selon les différents réseaux et compagnies. C’est là un tournant décisif : Guérard apporte dans le syndicat les notions de lutte des classes et de grève générale anticapitaliste.

 

En l’espace d’un an, grâce à l’action de Guérard, du Conseil d’Administration et des trois Commissions qui organisent les affaires internes, le syndicat des cheminots est remis d’aplomb et devient l’une des organisations ouvrières les plus dynamiques et puissantes de France. Entre 1892 et 1895 le syndicat passe de 4.000 à 20.000 syndiqués, avec une grande majorité de manœuvres et d’ouvriers qualifiés. Au-delà de son syndicat, Eugène Guérard propose la création d’une Fédération des transports lors du cinquième congrès de la Fédération des Syndicats en 1892 à Marseille, et pousse les militants de son syndicats à assurer constamment une solidarité interprofessionnelle avec les autres corporations. C’est ainsi que l’on retrouve le syndicat des cheminots représenté dans presque tous les meetings, toutes les réunions, tous les congrès et toutes les luttes de l’époque. Au sixième congrès national des syndicats en septembre 1894 à Nantes, c’est le Chevalier du Travail Lhermite (déjà évoqué dans la partie sur Limoges et la constitution de la CGT), ami de Guérard, qui représente le syndicat des chemins de fer et qui apporte deux mandats du syndicat : l’un appelant à la préparation des syndicats à la grève générale ; l’autre réclamant l’unité ouvrière, avec tous les courants socialistes que cela comprend, au travers du syndicat (puisque les partis politiques défendant les travailleurs sont divisés et divisent de fait les travailleurs).

Cet état d’esprit révolutionnaire chez les syndicalistes cheminots a bien été lancé par Eugène Guérard et ses camarades allemanistes ayant pris les commandes du syndicat. Il n’y a aucune trace d’une telle idée du syndicalisme chez les cheminots avant l’arrivée de Guérard. C’est au plein cœur de son activité et de ses victoires, à 36 ans, qu’il devient secrétaire général de l’Ordre des Chevaliers du Travail en 1894. D’un certain point de vue, le syndicat des cheminots est une émanation publique des Chevaliers du Travail. Il est dirigé par ces derniers et a acquis sa puissance par leur implication. La ligne de l’Ordre, approuvée dans le secret de ses réunions, est appliquée publiquement dans le syndicat. Pour s’en convaincre, on peut se reporter au deuxième point figurant sur la carte de membre de la CTF pour l’année 1895-1896 : « la mission des Chevaliers du Travail étant de chercher à augmenter sans cesse l’indépendance des salariés et, par contre, à diminuer celle des exploiteurs, il leur est recommandé de faire partie d’un ou plusieurs groupements socialistes, tels que les syndicats, les coopératives, les cercles d’études, etc, et de chercher à y exercer des fonctions afin d’y faire pénétrer les principes de l’Ordre ». Eugène Guérard a attiré vers l’Ordre et recruté systématiquement un grand nombre de ses camarades du parti comme de son syndicat. 


Comme le rapporte Dommanget dans son livre, nous savons peu de choses au final des positions occupées par Guérard dans les chantiers de l’Ordre, mais un tel homme ne se dédouble pas. Par ses écrits, par ses interventions publiques, ses actions et ses implications militantes, nous pouvons cerner le personnage au temps où il assume simultanément ses responsabilités dans la Chevalerie et au syndicat des chemins de fer tout en étant au POSR. C’est Guérard qui, en 1896 au congrès CGT de Tours, fit valider la phrase « la CGT se tiendra en dehors de toutes écoles politiques », préfigurant la position de la Charte d’Amiens 10 ans plus tard, considérant que les travailleurs ne devaient être représentés et ne s’émanciper que par eux-mêmes, c’est-à-dire par le syndicat.

Toujours au congrès de Tours, il fait valider l’adhésion à la CGT des syndicats isolés dont les fédérations professionnelles refusaient encore d’adhérer à la confédération. On comprend alors comment Guérard monte les échelons de la CGT jusqu’à devenir secrétaire confédéral en avril 1901... c’est lui, en grande partie, qui la structure et pousse à former les rouages qui permettront à la Confédération d’avoir la puissance et la vitalité que l’on connaît par la suite. Nous ne savons pas si à cette date Guérard est toujours formellement à la CTF. Mais, de toute façon, qu’il en ait ou non la carte en main, étant donné les positions et les hautes responsabilités qu’il a assumé dans l’Ordre, on peut avancer qu’avec lui c’est un peu la Chevalerie du Travail qui tient le secrétariat confédéral CGT à parti de 1901.

Le 25 juin 1898, lors de son Conseil Central, l’Ordre est en perte de vitesse et décide de centrer son recrutement et son influence sur les Bourses du Travail. Celles-ci sont, en premier lieu, l’expression d’un regroupement interprofessionnel sur une base géographique (c’est l’ancêtre de nos Unions Locales de syndicats), mais sont aussi connues comme étant des centres d’agitation et de sociabilité ouvrière remarquables. Les allemanistes traversent une crise interne (dont ils ne se relèveront pas) sur la question des indemnités des élus. La CTF, liée en grande partie au POSR, décline donc avec lui. Il faut redynamiser l’Ordre. C’est alors assez naturel que, le 16 juillet, Fernand Pelloutier, de formation anarchiste et figure emblématique de la Fédération des Bourses du Travail, succède à son ami Guérard et devient Secrétaire Général de la CTF.

Atteint très jeune de tuberculose, son état de santé s’était pourtant dégradé en 1895. Il se dégage alors des groupements libertaires pour se consacrer exclusivement à la Fédération des Bourses du Travail et y engager ses dernières forces. Il est à souligner que, pendant qu’il quitte la plupart de ses engagements secondaires, il adhère pourtant à la Chevalerie du Travail, pendant l’été 1895. Les Chevaliers du Travail doivent alors occuper une place toute particulière pour lui, d’autant qu’en pleine économie de ses forces, conscient qu’il n’en a plus pour très longtemps, il accepte en 1898 de devenir secrétaire général de l’Ordre, s’engageant à « faire marcher rondement la Chevalerie et à la réorganiser ».

 

Sa nomination au poste de commande de l’Ordre marque inévitablement la victoire et la consolidation des éléments ouvriers et révolutionnaires dans celui-ci. Le fait que Pelloutier concentre ses efforts sur la Fédération des Bourses du Travail et sur l’Ordre des Chevaliers du Travail indique qu’il les considère comme complémentaires. Pour celui qui sera considéré par l’historien et juriste Maxime Leroy comme « le plus grand nom de l’histoire des syndicats », c’est là une œuvre très sérieuse : l’étroite association entre le travail révolutionnaire, parfois clandestin, et le travail public, l’organisation de masse. Pelloutier meurt le 13 mars 1901 à 33 ans. Son impact et sa présence étaient tels que son absence subite signe le déclin des Bourses du Travail qui n’ont un second souffle qu’en étant absorbées par la jeune CGT au Congrès de Montpellier 1902. La perte de vitesse de la Fédération des Bourses du Travail, succédant à la crise des allemanistes, va laisser la place aux sectes politiques qui vont introduire dans l’Ordre leurs guerres partisanes extérieures. L’Ordre, qui s’était basé notamment sur le syndicalisme pour maintenir une ligne interne unitaire entre courants, commence sa lente chute.

Parmi les autres éléments qui font le lien entre Chevaliers du Travail et syndicalisme français, des éléments en lien avec le secrétariat de Guérard et Pelloutier, on peut noter qu’en signature du Manifeste de la CTF pour le 1er Mai 1896, figure « Vive la grève générale ! ». Le manifeste appelle à redonner un caractère syndicaliste et révolutionnaire au 1er Mai, devenu pour beaucoup une parade grotesque, une pitrerie festive qui dénature l’origine tragique de l’événement. On peut également citer, en 1898, le positionnement individuel de Chevaliers lors de l’affaire Dreyfus. L’Ordre n’a pas de position officielle affirmée. Mais ses militants les plus importants vont dans le sens du communiqué de la CGT, début février, appelant les travailleurs à ne pas « prendre parti dans le conflit entre les juifs et les chrétiens », et s’engageant ouvertement avec les allemanistes et les anarchistes de Sébastien Faure en faveur de la justice et contre l’antisémitisme. 


Prenons trois exemples, encore plus parlant, du lien entre syndicalisme et Chevalerie du Travail. Deux concernent successivemen le mouvement contre la loi Trarieux et les grèves de Carmaux en 1895, et l’autre le Congrès Socialiste de Londres en 1896.

Le 26 janvier 1895, Trarieux, ministre de la Justice du gouvernement Ribot, avait déposé un projet de loi interdisant le droit de coalition aux employés des compagnies de chemins de fer, aux ouvriers et employés des arsenaux et exploitations de l’État. Le 14 mars, Eugène Guérard entreprend une forte mobilisation tant sur le plan syndical que dans la Chevalerie. En tant que secrétaire général du puissant syndicat des cheminots, il commence l’agitation avec les délégués syndicaux autour du projet, rejoint par le groupe parlementaire de défense des cheminots avec Jean Jaurès en tête. S’en suit le ralliement des grandes fédérations corporatives, de la Fédération des Bourses du Travail avec Fernand Pelloutier à sa tête et du Conseil National Ouvrier mené par Colombe.

 

Bref, une multitude d’organisations dirigées par des Chevaliers du Travail. Il faut y ajouter le relais de l’information par des journaux comme la Revue Socialiste, dont des membres de l’Ordre sont au secrétariat de rédaction (Adrien Veber, ex-secrétaire général de la CTF). La mobilisation s’étend à la population par des meetings, avec toujours Eugène Guérard et le syndicat des chemins de fer en tête des initiatives. Le point culminant atteint le 24 avril avec 10 000 manifestants permet la victoire contre le projet de loi. On peut donc affirmer sans exagérer que cette mobilisation unitaire des organisations ouvrières résulte en grande partie de l’action et de l’appartenance commune de ses leaders au réseau qu’est l’Ordre des Chevaliers du Travail. 


Le lendemain de la manifestation, le 25 avril, la CTF marque le coup en organisant une grande fête rue Cadet, à Paris. Le jour-même, la presse signale une effervescence sérieuse parmi les ouvriers verriers de Carmaux, qui va déboucher sur des grèves historiques. L’élan de solidarité nationale qui s’était manifesté lors du mouvement contre le projet Trarieux se renouvelle et s’amplifie en août 1895. Les Chevaliers du Travail mobilisent leurs chantiers à travers la France, tout membre de l’Ordre doit rentrer dans le conflit et/ou soutenir la lutte par quelques moyens que ce soient. A Paris, un grand meeting en faveur des grévistes est organisé Salle des Mille-Colonnes par dix groupements syndicaux et socialistes.

Parmi eux figure publiquement le chantier du 14ème arrondissement : ainsi, le Chevalier du Travail Saint-Clair est secrétaire au bureau du meeting. Aristide Briand, ami de Fernand Pelloutier à ce moment-là, avait rejoint l’Ordre. Il s’investit également à fond. Il s’illustre comme orateur au meeting de l’Union des terrassiers de la Seine, avec Pergay du Syndicat des cochers et Beausoleil, secrétaire du Comité provisoire de la CGT naissante. Ce seront également les Chevaliers Guérard, Pelloutier, Hamon et De la Salle qui se dépenseront pour contribuer à faire vivre la Verrerie Ouvrière, la coopérative autogérée mise sur pied pour pallier au licenciement des ouvriers s’étant mis en grève. Eugène Guérard est nommé secrétaire du Comité d’action de la Verrerie, et l’on retrouve sa signature sur les tickets de souscription. Des Chevaliers du Travail animent des comités et font des réunions un peu partout en faveur des grévistes et de la Verrerie Ouvrière. Début 1896, Augustin Hamon, l’une des grandes figures de l’Ordre, édite au profit du Comité d’Action de la Verrerie une brochure intitulée Patrie et Internationalisme. Par ces deux exemples, on peut donc constater une implication collective, diverse et sans faille de la Chevalerie lors de mouvements sociaux historiques.

Le Congrès Socialiste International de Londres (du 27 juillet au 1er août 1896) voit la participation officielle des Chevaliers du Travail avec les mandatés Eugène Guérard et Aristide Briand. L’Ordre sort de l’ombre à certains moments. Ce congrès est connu notamment pour ses débats autour de la place du syndicalisme et de son indépendance vis-à-vis des partis politiques socialistes. Ce sont aussi les Chevaliers du Travail français qui, appuyés par les délégués corporatifs, poussent à évoquer la question de la Grève Générale à ce Congrès. En ce qui concerne la section française du Congrès, on peut affirmer que ce sont les votes des Chevaliers du Travail français, avec leurs mandats, qui ont fait pencher la balance d’une façon décisive en faveur de l’indépendance et de l’autonomie des syndicats. Nous l’avons dit, les organisations comptant en nombre des Chevaliers du Travail en France étaient le Parti Ouvrier Socialiste Révolutionnaire, la Fédération des Bourses du Travail, la Confédération Générale du Travail, le Comité de la Grève Générale, des Fédérations professionnelles telle la Fédération du Bâtiment et des groupes anarchistes.

 

Autant dire que c’est le milieu qui donnera naissance au syndicalisme révolutionnaire, courant hégémonique et majoritaire dans la CGT jusqu’en 1914, plaçant le syndicat comme outil primordial dans l’émancipation des travailleurs : de groupement de résistance, le syndicat sera base de réorganisation sociale. Alors que la plupart des délégués au congrès avaient des mandats d’organisations politiques social-démocrates, les Chevaliers du Travail se font remarquer par leurs mandats syndicaux et leur représentativité ouvrière. Par exemple Guérard, en plus d’être mandaté officiel de la Chevalerie, porte aussi les mandats de la Chambre Syndicale des cochers de la Seine, de la Fédération des ouvriers mouleurs de France, de l’Union Syndicale des ouvriers menuisiers de la Seine, de la Verrerie Ouvrière d’Albi, de la Confédération Générale du Travail et du Syndicat national des travailleurs des chemins de fer.

 

Sur 750 délégués, 129 sont français et au moins 10 sont membres de l’Ordre. Deux Chevaliers seront parmi les neuf membres de la commission française au congrès chargée de vérifier les mandats et pouvoirs, et Guérard sera élu unanimement comme délégué français appelé à siéger au bureau de la séance plénière. Sur les 24 membres des huit commissions du congrès, on retrouve cinq Chevaliers. Ces quelques Chevaliers du Travail français ont donc une place non négligeable dans l’organisation et la gestion du congrès, mais ont en plus une large influence. En effet, ils représentent près de 30 organisations ouvrières au congrès : syndicats, unions et fédérations syndicales, bourses du travail, coopératives, sections de groupements socialistes, etc. La rupture entre socialisme parlementaire et syndicalisme s’engage.

 

Le Congrès, de par sa forte représentation anglo-saxonne (social-démocrate) vote l’exclusion des anarchistes et des syndicalistes révolutionnaires, dits « indépendants », du mouvement socialiste. Au sein même de la CTF, Rouanet, Lafargue et Sanial, s’alignent sur la social-démocratie contre l’avis majoritaire de leurs frères Chevaliers, et contre la ligne unitaire de l’Ordre. Les divisions politiques extérieures à l’Ordre commencent à être importées dans celui-ci, ce qui va annoncer le déclin de la Chevalerie. Mais au-delà de la conclusion du Congrès, nous voyons encore une fois l’action et le positionnement éminemment syndicaliste de la CTF.

Conclusion

A l’inverse de la Chevalerie du Travail américaine, la CTF a toujours eu des effectifs modestes, et, quinze ans à peine après sa création, elle était déjà moribonde. L’Ordre sera officiellement dissout en 1910 et disparaît réellement en 1911. On peut aussi noter que, bien qu’en avance par rapport au réformisme et à l’idéalisme américain, la CTF était aussi en retard sur certains aspects car elle était strictement masculine… Il y a très peu d’archives et de sources sur les Chevaliers du travail français mis à part l’étude de Maurice Dommanget, mais ce qu’il y a de sûr c’est qu’ils ne deviennent pas une organisation syndicale comme aux Etats-Unis, puisqu’ici la tradition d’un mouvement corporatif fort et ancien diminue l’impact et l’influence que pourrait avoir l’Ordre en tant qu’organisation de masse.

 

On peut le voir au moment de la création de la CGT à Limoges, l’Ordre est soit dépassé par les événements, soit conscient de son inutilité, en tant qu’organisation secrète, dans l’affaire. Cependant, les Chevaliers du Travail sont bien à l’origine et la tête d’une multitude de syndicats, de bourses du travail, de sociétés de secours mutuels et de bienfaisance, de coopératives, de sections socialistes. Ses membres sont influents et ont un impact conséquent dans le mouvement ouvrier.

En fait, l’Ordre est en retard par rapport au contexte : bien que la terrible répression contre la Première Internationale et la Commune ait obligé pendant un temps le mouvement ouvrier à se replier, à être sur la défensive et à agir dans l’ombre, il devint vite inutile de se maintenir dans la clandestinité, et même contradictoire de se dire anticapitaliste, socialiste, révolutionnaire et surtout syndicaliste, tout en étant invisible et inaccessible pour les masses. On peut affirmer par contre que la Chevalerie du Travail fut la seule organisation à avoir eu l’objectif d’unifier les différentes écoles socialistes à un moment où la division régnait. C’est la CGT qui accomplira finalement cette tâche pendant un temps, via la Charte d’Amiens.

Les Chevaliers du Travail donnent la possibilité de se retrouver au sein d’un groupe soudé avec une identité et des réflexions propres. Dans les chantiers de l’Ordre, on étudie, on réfléchit et on débat des moyens pour mettre à bas la société bourgeoise, comme le chantier visant à l’étude de plans pour effectuer des sabotages sur les voies ferrées au sein du syndicat des cheminots ou encore à se servir des égouts des villes à des fins révolutionnaires…


Si les membres de l’Ordre des Chevaliers du Travail ont fortement contribué à l’émergence du syndicalisme, du mutualisme et du progrès social pour le prolétariat, l’organisation en elle-même était condamnée à n’être que spectatrice des mouvements qu’elle avait contribué à créer et à animer, car ceux-ci n’étaient pas secrets et se développaient. A cause du contexte français de l’époque, l’Ordre était réduit à n’être qu’un réseau de contacts influents, initiateurs en grande partie, mais ensuite seulement observateurs, du syndicalisme moderne qu’incarne la CGT en 1902.

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