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La tête de manifestation,

un enjeu révolutionnaire ?

 

 

Depuis deux ans, un nouveau sport fait fureur dans les rues des métropoles de France : le totosprint. Le challenge consiste à prendre la tête de la manif dès le signal du départ. Mais le plus jouissif, c’est de franchir la ligne d’arrivée avant les syndicats ! Aux jeux olympiques, les vainqueurs obtiennent gloire médiatique, célébrité et une belle médaille d’or pour flatter leur égo. Mais dans les rues, on n’a pas encore compris si l’objectif des participants est le même.

Au delà des loisirs sportifs, parlons un peu politique 


Nous savons tous que la désyndicalisation et la décomposition politique des dernières décennies ont produit une perte des repères de classe. Beaucoup de personnes n’ont donc pas bénéficié d’une culture ouvrière et syndicale dans leur famille. Cette situation donne alors une influence grandissante dans la jeunesse aux mythes propagés par les médias bourgeois, les blogs farfelus et certains groupes affinitaires (se revendiquant d’un courant philosophique).


Il n’est alors pas étonnant que beaucoup de manifestants ne comprennent pas le comportement des organisations syndicales. Par exemple, pourquoi la CGT ne peut accepter de céder sa position dans la manifestation à un cortège affinitaire.

La raison est pourtant ancienne et remonte aux origines du mouvement ouvrier. La CGT s’est créée en revendiquant son indépendance par rapport aux partis politiques et aux organisations philosophiques. Son autonomie est revendiquée par le vote d’une Charte au congrès d’Amiens en 1906. Depuis, la CGT a toujours refusé de manifester derrière un parti politique ou une organisation affinitaire. Les autres organisations syndicales se revendiquant de la Charte d’Amiens font de même.

Cela permet de réunir derrière la lutte des classes tous les prolétaires, en évitant les divisions affinitaires (communistes, anarchistes, socialistes…). Cette unité renforce le rapport de forces et prépare le Socialisme.


La question de l’indépendance syndicale n’est cependant pas la seule à expliquer une forte méfiance. Dès 1895, les militants de la CGT sont méfiants par rapport aux partis et organisations philosophiques qui recrutent parmi les prolétaires, mais aussi dans la bourgeoisie. C’est pourquoi la Charte d’Amiens définit une stratégie révolutionnaire autonome pour la classe ouvrière. Ce sont les syndicats, fédérés dans la CGT (à l’époque seule confédération syndicale), qui doivent organiser la grève générale expropriatrice puis. . . construire et gérer le Socialisme.
L’autonomie ouvrière est donc revendiquée et garantie à travers l’organisation syndicale. Ce que n’offrent ni les partis, ni les groupes affinitaires, ni les soviets ou autres comités de lutte.

Depuis 1906, beaucoup de courants philosophiques ont contesté à la CGT son action révolutionnaire en essayant de la déborder. Ce fut le cas du PS, puis des léninistes mais aussi de certains courants libertaires et spontanéistes. Aujourd’hui, c’est au tour de la France Insoumise, des autonomes et de l’ultra-gauche de jouer aux avant-gardes et de vouloir déborder les organisations syndicales.

Grèves de masses ou actions putschistes ?


Des manifestations spectaculaires dans la rue peuvent apparaître comme très radicales dans la forme. Il est alors tentant de vouloir mobiliser en mettant en avant les secteurs les plus radicalisés de la population, et les jeunes en premier lieu. Mais une lutte sociale ce n’est pas la guérilla ou du spectacle médiatique. Régulièrement de grands stratèges proposent de remplacer le prolétariat par d’autres catégories pour justifier un "nouveau projet révolutionnaire".

Au printemps 1968 et en novembre 1995, les étudiants ont mené des luttes très radicales. Dans les semaines qui ont suivi, les travailleurs sont entrés à leur tour en lutte, en utilisant leurs organisations syndicales. Les travailleurs se sont immédiatement retrouvés en première ligne face aux patrons. Et c’est une très bonne chose car le prolétariat est la seule classe qui dispose de la force, mais surtout des connaissances professionnelles pour détruire le pouvoir de la bourgeoisie dans les entreprises... et pour construire le Socialisme.

On peut cultiver un jardin maraicher en s’organisant dans un groupe affinitaire. Mais faire fonctionner une industrie des télécommunications ou des transports aériens, cela demande d’autres outils d’organisation. C’est pourquoi les fédérations d’industrie (coordonnant les syndicats locaux de branche professionnelle) ont été créées dans la Confédération. Pour se préparer à la Révolution, non pas dans le domaine des concepts intellectuels ("démocratie directe", "communisme", "dictature du prolétariat", . . . ) mais sur le terrain des conditions réelles de production des biens et des services.

C’est pourquoi il est totalement incohérent ou illusoire que des militants se revendiquant de la lutte anticapitaliste veuillent s’imposer dans les manifs à la place des organisations du prolétariat. Les syndiqués ne peuvent accepter de telles pratiques putschistes et avant-gardistes.


Ces pratiques sont d’autant moins appréciées vu ce que sont devenus les dirigeants d’ultragauche de 1900, de 1968 et de 1995. Leur anticapitalisme a été aussi virulent que provisoire. Leur radicalisme apparaissant, au final, comme un moyen de négocier ensuite une carrière dans la classe dirigeante.

Quelle autonomie ?


Nous invitons donc les camarades en désaccord avec ce tract à venir discuter avec nous, dans le calme des débats sérieux, loin des épreuves sportives médiatisées. Ce sera l’occasion de débattre du concept "d’autonomie". Le syndicalisme-révolutionnaire s’est construit sur la dynamique d’une autonomie prolétarienne, la confédération syndicale apparaissant comme l’outil indispensable pour construire cette autonomie de la classe unifiée. L’ultra gauche s’est créée, au contraire, en revendiquant son autonomie par rapport aux confédérations syndicales. C’est son choix. Mais nous constatons, avec un certain étonnement, que cette autonomie politique n’est pas assumée dans les faits. Les manifestations syndicales devenant systématiquement le lieu de ralliement pour des groupes anti-syndicalistes !

Cette incohérence est source de tensions et doit donc se solutionner à travers des débats dépassionnés.

Les CSR ont produit une brochure consacrée à l’ultra-gauche allemande en 1918-23. C’est un des rares moments où ce courant affinitaire a réussi à s’implanter dans un secteur significatif du mouvement ouvrier. Cette expérience s’est achevée par une crise totale. C’est l’occasion de réfléchir à la question organisationnelle, trop souvent sacrifiée au profit des slogans philosophiques. Contrairement à l’ultra-gauche, notre courant a toujours apporté une attention particulière aux organisations, aux outils indispensables pour lutter au quotidien, pour impulser la Révolution, puis pour gérer les moyens de production socialisés. Une lecture utile à ceux qui veulent préparer la Révolution.Cette brochure est disponible au prix de 2 euros auprès des militants des CSR.

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